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Souvenirs d'enfance
8 janvier 2006

nous Passions par la !

Nous passions par là

 

En 1938, j’avais six ans, mon frère Noël, mon aîné de onze mois, sept ans. Nous étions inséparables. Nous avions un copain de notre age, François, qui habitait un mas voisin du notre. Nous étions toujours ensemble. Nous allions à l’école à pied, à Saint- Remy de Provence qui se trouvait à environ quatre kilomètres, accompagnés de notre frère Paul qui lui était plus âgé.

Pendant les grandes vacances, nous avions trouvé à l’intérieur du tronc d’un vieil amandier, un nid de chouettes. Au fond du tronc, presque inaccessible, il y avait quatre petits, mais nous avions peur de la maman chouette, alors nous les avions laissé. Une semaine plus tard, je dis à mes frères Noël et François : « Venez, on va voir si les petits de la chouette ont grossis. »  Ils me répondent : « Non ! Nous, nous allons aux nids des écureuils et de pies. » Nous voilà partis du côté opposé au vieux tronc d’amandier, et cela va changer le cour de l’histoire.

Alors que nous marchions sur un vieux chemin où il ne passait pratiquement personne, excepté la bergère, Madame Marchand, qui parfois venait faire paître son troupeau de moutons dans la garrigue, ou bien quelques chasseurs de lapins, pendant l’automne.

Nous voilà partis à la recherche de nids de pies ou d’écureuils.  Mon frère Noël marchait quelques mètres devant nous. Tout à coup, il s’arrêta net.  Il nous fit un signe de la main, comme pour nous dire de ne pas bouger, il fit quelques pas en arrière. Il nous dit en chuchotant : «  Il y a quelqu’un dans la broussaille! » Nous restâmes là tous les trois sans bouger, un court instant, prêt à partir en courant. Puis mon frère nous dit : «  On va voir! » Moi le plus petit, je lui dis : «  Non! Moi j’ai peur ! Et si c’est un mort! » François nous dit : « Non, il est pas mort ! Chut! Ecoutez, il parle ! »

Effectivement, il appelait. Nous avons pris notre courage à deux mains. Nous avancions doucement, tous les trois ensemble. Nous sommes arrivés devant un homme, qui était allongé par terre, la tête à l’ombre d’un petit chêne vert.  Il avait chemise grande ouverte. D’une main il se frottait la poitrine, et de l’autre il s’épongeait le front couvert de sueur. Il avait une grosse barbe noire, et des cheveux longs pour l’époque. De sa bouche sortait de la bave blanche. Les yeux à moitié fermés, il nous dit doucement : « Je vais mourir! Petits, allez vite chercher vos parents ! » Nous sommes partis en courant tous les trois sur le chemin. Arrivés à la maison, nous étions essoufflés. D’une seule voix, nous dîmes à notre mère :

« Maman! Viens vite! Il y a un monsieur qui va mourir! Il est sur le bord du chemin de la colline, il va mourir, il demande du secours, « Mais quel homme ! Où est-il ! » Nous demande notre mère, je reprend « il est sur le bord du chemin qui mène à la garrigue »  Nous voilà repartis sur le chemin, la mère de François nous a rejoints.

Devant cet homme, ma mère eu comme une peur, la mère de François aussi, ma mère lui demanda « Monsieur, qui êtes-vous ! Que vous est-il arrivé ! » Il répondit « je suis l’aviateur, je me suis empoisonné ! Faite vite Madame ! J’ai très mal au ventre, je vais mourir ! » Je ne sais pas par quel moyen, ma mère fit appeler mon père qui était au jardin, loin de la maison, j’ai le souvenir qu’il est arrivé avec la camionnette, avec l’aide de ma mère et de la mère de François, il le firent monter au coté de mon père, qui le transporta au petit hôpital de Saint- Remy, celui-là même où, je crois, Vincent Van Gogh fit un séjour en 1889.

Loin devant notre mas, il y avait, entre deux vallons, au pied des Alpilles, un grand champ en friche. De temps en temps, nous entendions un moteur d’avion (aéroplane) de l’époque. Cet avion, nous les petits, nous ne l’avion jamais vu au sol. Mais quelques fois, nous le regardions tourner au dessus des Alpilles. C’était pour nous des moments rares. Puis l’avion repartait, comme il était venu. Mais parfois,  il disparaissait derrière le vallon, et nous n’entendions plus le bruit du moteur. En réalité, il atterrissait dans le grand champ en friche du vallon de « Belaganba » belle jambe ? Qui pour nous, était interdit

.

D’après mon père, dans ce vallon, il y avait des gros loups ! Ce mensonge pour nous interdire d’aller toucher à l’avion. L’aviateur venait souvent au printemps et en été il  posait son avion dans le champ des grands vallons. Il restait plusieurs jours, voire des semaines dans les petites grottes des Alpilles. Mais nous, nous étions à l’école nous ne savions pas que l’avion était posé dans le champs, vu qu’il était assez éloigné de la Maison. A l’hôpital, l’aviateur dit à mon père : « Allez à mon avion chercher le sac et manger tout ce qu'il y a à l'intérieur, autrement tout va se perdre. » Le soir mon père et mon frère aîné Marius allèrent chercher le sac en question. C'était un très gros sac à dos « tyrolien », très lourd, avec plusieurs poches. Mon père le mit sur la table, il l'ouvrit. Pour mieux y voir, mon frère et moi nous étions montés sur une chaise pour rien manquer de la scène au déballage du contenu du sac d’un aviateur, ça n'arrive pas tous les jours. Du sac, mon père sortit tout  un tas de trucs : des instruments un peu barbares, du papier à écrire et un magnifique stylo que mon père ouvrit : « La plume est en or ! Incroyable ! » Je répétai : « Une plume en Or ! Nous, à  l’école nous avions des porte-plumes en bois. Le soir, nous avions les doigts violets d’encre. » Mon père sortit des vêtements du sac, et au fond, il y avait de la nourriture, des galettes, du chocolat, quelques bonbons, choses rares chez nous, et puis tout au fond, il y avait des grosses pommes comme je n’en avais vues auparavant : elles étaient rouges comme celles de la foire avec un bâton pour la tenir et du caramel dessus.  « Des pommes du Canada ! Nous dit mon père. « Du Canada ! » J’étais impatient d’en goûter un morceau. Mon père l’avait compris, il en coupa une en quatre. Il nous en donna un morceau à chacun.  Rendez vous compte ! Des pommes du Canada! C’était quoi le Canada ? Mon frère Paul qui était sur le point de passer le certificat d’étude, me répondit : « Un pays ! Où il fait froid ? » je me dit ici aussi il fait froid mais il n’y à pas des pommes rouges, c'était incroyable. Des pommes rouges d'un aviateur en plus, et quel aviateur ! C’était le célèbre Marcel Doret. Nous avons su plus tard qu’il était un des  pionniers du vol à voile en France, mais il était aussi un des premiers écologistes, car il restait plusieurs jours dans la chaîne des Alpilles à vivre comme un ermite, goûter  toutes les plantes et fruits sauvages de la nature. Ce jour-là, il avait peut-être mangé des boulettes rouges ? Nous, les petits, nous savions par nos parents qu’elles étaient empoisonnées. « Dieu garde de ne jamais toucher à ces boulettes, nous disait mon père, elles sont empoisonnées. » Quelques jours plus tard alors que nous étions à l'école, à St Remy de Provence, l’aviateur sorti de l’hôpital et vint chercher son avion. Il remercia mes parents. Le soir, ma mère nous  dit que l'aviateur était venu nous voir pour nous remercier, pour  nous les petits, il nous avait apporté un gros paquet de bonbons à chacun. Quelle joie pour nous ! Il dit à mes parents : « Sans vos enfants, je serais mort. » et il repartit. Nous aurions bien aimé le voir partir avec son gros sac, et surtout le voir décollé, car cette fois je crois que mon père nous aurait emmené voir l’avion de prés et surtout le voir partir.                                      

Plus tard c'est lui, Marcel Doret,  qui créa l'école de vol à voile du Mas des Roumanilles, qui existe toujours à St Remy de Provence, un Mas pas très loin du nôtre. Lorsqu'il venait voler au-dessus de notre maison, il faisait plusieurs grands cercles, sans doute pour nous remercier et nous dire un bonjour. Parfois, il passait assez bas, on arrivait à le voir. Les jours de grand Mistral, il venait toujours faire un tour dans les environs. Ma mère avait peur que l'avion tombe sur notre maison. il prenait de l’altitude, puis il calait le moteur, et descendait en planant pendant plusieurs minutes, puis il remettait en route et repartait, sans oublier de venir faire un tour au-dessus de notre maison.

Nous les petits nous avions sauvés la vie du célèbre aviateur Marcel Doret. Moi, j'étais fier d'avoir le même prénom que lui. Mon frère Noël et notre copain François étaient jaloux. Mais si nous étions allés voir les petites chouettes dans le vieux tronc d’amandier, nous ne serions pas passé par ce chemin et notre grand Marcel Doret serait peut-être mort… Et la France aurait perdu un grand Aviateur…

Marcel Doret

Récit Dellasta Marcel – 1938

Fuveau - 2000

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Commentaires
M
Les souvenirs sont sacrés !!! Ils ne faut pas oublier !!!<br /> <br /> Très beau blog.<br /> <br /> @ bientôt.
Souvenirs d'enfance
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